La méprise est bien évidemment liée à son patronyme, qui évoque le prophète juif Isaïe (cf. le Dictionnaire des noms de famille en Wallonie et à Bruxelles de Jean Germain (Racine Lannoo, 2007), mais aussi à la fameuse tendance des grands violonistes à être juifs.
Or, cette tendance ne s’observe qu’à partir du XXe siècle. Jasha Heifetz est né en 1901, Nathan Milstein en 1903, Henryk Szeryng en 1918, Isaac Stern en 1920. Au XIXe siècle, il y a eu Ferdinand David, Nicolo Paganini, Rodolphe Kreutzer, Henri Vieuxtemps… et Eugène Ysaÿe (né en 1858). Ni Paganini, ni Kreutzer, ni Vieuxtemps n’étaient juifs... et Ysaÿe, pas davantage.
Si Ysaÿe avait été juif, il serait, à coup sûr, mentionné quelque part dans les 761 pages de l’ouvrage de Frans C. Lemaire Le Destin juif et la musique - Trois mille ans d’histoire(Fayard, 2eédition revue et augmentée, 2001), surtout si l’on sait qu’y sont mentionnés Paganini (p. 504), Kreutzer (p. 194) et Vieuxtemps (p. 508).
(Notons au passage qu’au début de son livre, Frans C. Lemaire, lui-même non juif, croit opportun de dresser une liste de Juifs ayant eu « une influence fondamentale sur les développements de la modernité » et fait l’erreur d’y inclure Charlie Chaplin).
Eugène-Auguste Ysaÿe était issu d’une vieille famille wallonne (Musica et Memoria) et son grand-père paternel, maçon de métier et violoniste le dimanche, jouait à l’église. Sa mère se prénommait Marie-Thérèse. Sa sœur aînée se prénommait Marie, et son frère aîné, Joseph. Un peu plus, et il recevait comme prénom Jésus.