C’est dans un périodique juif, le mensuel L’Archeil me semble, que j’avais lu un jour cette fable, sous la plume de quelque gratte-papier à qui il n’avait pas échappé que Bram était le diminutif d’Abraham. Apparemment, il ne lui en avait pas fallu davantage pour croire opportun d’expliquer aux lecteurs que l’auteur de Draculaétait juif. Sans doute cette personne avait-elle fantasmé aussi sur son nom, et peut-être également sur quelque interprétation douteuse de certains aspects de son célèbre roman gothique, à supposer qu’elle l’ait lu.
Bram Stoker |
Pourtant, comment pourrait-on imaginer un auteur juif écrivant une histoire dans laquelle l’hostie et le crucifix seraient les armes de choix pour triompher d’êtres diaboliques ou pour leur échapper ?
Toujours est-il qu’on n’avait pas poussé bien loin les recherches.
Stoker n’est pas un nom porté par des Juifs. C’est un nom britannique qui dérive de l’anglais primitif stocc signifiant « souche » ou « tronc d’arbre ». Cette précision nous est donnée par un site irlandais sur les noms de famille, qui nous apprend aussi qu’au XIVe siècle, en Angleterre, le nom Stoker se retrouvait surtout dans les comtés du Sussex, du Kent, du Surrey et de l’Hampshire, que divers lieux y sont appelés Stoke, et que le nom Stoker pourrait aussi désigner celui qui abat les arbres.
L’écrivain irlandais, à l’origine, se prénommait bien Abraham, tout comme le président américain Lincoln et le mathématicien français Moivre. Lesquels n’étaient pas plus juifs l’un que l’autre.
La mère de Bram Stoker s’appelait Charlotte Matilda Thornley. Thornley n’est évidemment pas un nom juif. Mais surtout, comme l’indique Wikipedia, le père d’Abraham Stoker s’appelait également Abraham Stoker. C’est la meilleure preuve qu’il n’était pas juif (à propos des fils qui portent le même prénom que leur père, voir, notamment, mes articles sur les Rockefeller, sur Isaac Newton et sur Gustave Eiffel).